Interdire les NEONICOTINOÏDES, c'est indispensable et c'est possible! - Syndicat des Apiculteurs du Puy-de-Dôme

Chaque semaine, une nouvelle étude est publiée sur l’impact des néonicotinoïdes sur les abeilles, les pollinisateurs sauvages, les invertébrés aquatiques, les oiseaux, etc….

Il ne fait plus aucun doute que ces produits sont néfastes pour notre environnement et les premiers signaux d’alarme apparaissent sur la santé humaine. Economiquement, au-delà de la survie de la filière apicole, c’est le service vital rendu par les pollinisateurs domestiques et sauvages qui est en jeu.
L’Union européenne a restreint certains de leurs usages en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés, sur des millions d’hectares.
Dans les prochains jours, nos représentants devront se positionner sur l’interdiction de cette famille de pesticides.

Aujourd’hui, la France dispose des éléments pour interdire ces produits à très courte échéance, sans que cela n’occasionne de désastre dans les rendements agricoles.
Il appartient à nos élus de se saisir du problème, de jouer pleinement le rôle majeur dont ils ont été investis qui est celui de veiller au bien-être du plus grand nombre et au devenir de leurs citoyens.

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(Téléchargez l’argumentaire de l‘UNAF en PDF 517 KO)

Abeilles, miel, pollinisation : chiffres clefs

  • Une mortalité record des abeilles : 30% des ruches périssent chaque année en France ce qui fait de la France un des pays européens les plus fortement touchésa _ Avant 1995, les mortalités avoisinaient les 5%.
  • Une production nationale de miel en chute libre : production divisée par trois en 20 ans (32 000 tonnes en 1995 à 10 000 tonnes en 2014)b
  • Les pollinisateurs sauvages sévèrement touchés : au moins 1 espèce d’abeille sauvage sur 10 est menacée d’extinction en Europe !c
  • La valeur économique de la pollinisation :

– 153 milliards d’euros par an dans le monded
– 35 % de la production mondiale de nourriture est dépendantes des pollinisateurse
– 13,4 millions de déficit en colonies d’abeilles en Europef
– En France, à peine 25 % à 50 % des colonies nécessaires présentesf

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Interdiction des néonicotinoïdes : 5 idées reçues

1 – « Les mortalités des abeilles sont plurifactorielles. Interdire les néonicotinoïdes ne changera rien. »
De multiples causes peuvent être à l’origine de la mort d’une colonie d’abeilles : maladies infectieuses (virus, champignons), acariens (Varroa destructor), espèces invasives (frelon asiatique), manque de ressource florale et utilisation des pesticides.
Aucun de ces facteurs n’a pu être isolé comme l’unique responsable du déclin des populations d’abeilles et des pollinisateurs sauvages, mais les observations de terrain et la multiplication des études scientifiques sur les toxicités aigue et chronique des néonicotinoïdes conduisent à constater que les néonicotinoïdes jouent un rôle clef dans la dégradation de l’état de santé des pollinisateurs.

  • Depuis le milieu des années 90, date d’apparition des premiers néonicotinoïdes sur le marché, les apiculteurs constatent dans leurs ruches des dysfonctionnements, des mortalités accrues et des disparitions de colonies sans précédent et jamais observés dans l’histoire de l’apiculture même dans les premières années suivant l’apparition de Varroa destructor dans les ruchers français (1982 à 1990).
  • Les spécialistes sanitaires déplorent la fréquence croissante des effondrements de ruchers d’origine toxicologique.
  • En 2008, nos voisins italiens ont franchi le pas en interdisant les insecticides néonicotinoïdes d’enrobage des semences de maïs. Conséquence : de 37.5% sur la période 2007-2008 (avant l’interdiction), les mortalités observées sont tombées à 15% pour la période 2010-20111.
  • La multiplication des études et rapport scientifiques établissant le lien de causalité entre néonicotinoïdes et mortalités des abeilles et/ou des pollinisateurs sauvages est sans appel (voir références scientifiques plus loin).

Au regard de ces éléments, il est indéniable qu’interdire les néonicotinoïdes contribuera à l’amélioration de la santé des abeilles et des pollinisateurs sauvages.

2 – « L’interdiction des néonicotinoïdes va faire chuter les rendements agricoles. »

Les insecticides néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides neurotoxiques, utilisés en traitement de semences. L’enrobage de la graine procure un effet systémique en permettant au pesticide d’être diffusé tout au long de la vie de la plante dans l’ensemble de ses parties.

Apparus dans les années 90, ce moyen de lutte préventif a-t-il répondu aux exigences de rendement auxquelles est soumis le monde agricole ?
Là aussi les faits et les études scientifiques convergent :

  • Depuis leur apparition sur le marché, plusieurs rapports et publications font valoir que l’utilisation de ces molécules n’a pas permis une augmentation significative des rendements pour les agriculteurs (voir références scientifiques plus loin).
  • Deux ans après la mise en place du moratoire européen partiel sur trois néonicotinoïdes et le fipronil, après des annonces catastrophistes de l’impact de cette interdiction sur les rendements, le bilan de production 2014/2015 dans l’Union Européenne parle de lui-même2 : non seulement la suspension des néonicotinoïdes n’a pas conduit à une baisse drastique des rendements, mais le niveau de production affiche « un taux record en 2014 pour les graines oléagineuses (colza, tournesol, soja et lin). C’est un niveau de récolte globale jamais atteint précédemment, largement imputable à la principale graine oléagineuse cultivée sur le territoire de l’Union Européenne, le colza. ».

3 – « Les abeilles souffrent de la désorganisation du secteur apicole : les apiculteurs ne font pas les bons traitements et refusent d’évoluer techniquement. »

Plusieurs éléments vont à l’encontre de cette affirmation :

  • Il y a 25 ans, au tout début des années 1990, la filière ne bénéficiait que d’une organisation embryonnaire. Alors que le varroa était très présent dans les ruches et que les apiculteurs n’étaient pas aussi bien formés pour y faire face, la production de miel était trois fois celle d’aujourd’hui et les mortalités trois fois moindre.
  • Si les abeilles domestiques souffraient des pratiques apicoles, elles seraient les seules concernées par d’importantes mortalités. Pourtant, la situation des abeilles sauvages est également très préoccupante : selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une espèce européenne d’abeille sur 10 serait menacée d’extinction3Le chiffre est inquiétant, mais il pourrait être largement sousestimé puisque les experts soulignent le manque de données pour plus de la moitié des 1965 espèces d’abeilles sauvages présentes sur le sol européen. L’évolution des pratiques agricoles et l’intensification de l’agriculture sont visées en premier lieu.

Oui, les apiculteurs fournissent de nombreux efforts pour faire face à cette situation difficile et se structurer.
Tout d’abord, afin d’augmenter les chances de survie des colonies, ils multiplient les opérations dans les ruchers comme le renouvellement plus fréquent des reines et du cheptel.
Par ailleurs, depuis le lancement du plan de développement durable de l’apiculture4 en 2013, la filière apicole travaille activement et conjointement avec les pouvoirs publics pour doter les apiculteurs des moyens techniques leur permettant d’améliorer leur situation difficile. Ainsi, les apiculteurs n’économisent pas leurs efforts pour notamment :
participer activement aux réunions du Comité Apicole et des nombreux groupes de travail attenants à ce comité ;
collaborer pleinement à la réflexion, à la création et à la diffusion du guide des bonnes pratiques de l’apiculture en collaboration avec l’Institut Technique de l’Abeille et de la Pollinisation (ITSAP)5.

4 – « Si l’on interdit les néonicotinoïdes sans alternative crédible, on reviendra à des pesticides encore pire pour les abeilles. »

Il n’existe pas de famille de pesticides plus toxique pour les abeilles que les néonicotinoïdes.
En 2013, le Ministre anglais de l’agriculture David Heath a affirmé dans une interview télévisée que l’interdiction des néonicotinoïdes conduirait à l’utilisation de pesticides bien plus toxiques pour les abeilles. Interrogé par une ONG anglaise dans le cadre d’une procédure légale, le Ministère de l’agriculture du Royaume-Uni s’est dit dans l’incapacité d’apporter les éléments à même de justifier l’affirmation (lettre réponse du Ministère de l’agriculture britannique à Buglife en date du 15 août 2013).
A titre d’exemple en termes de toxicité aigüe, l’imidaclopride est 7297 fois plus toxique pour les abeilles que le DDT6. Cette toxicité aigüe combinée à la toxicité chronique et aux multiples voies d’exposition des abeilles fait de cette famille de pesticides la plus toxique pour les abeilles.

5 – « On a déjà interdit les néonicotinoïdes en UE, il ne sert à rien de les interdire en France. »

La Commission européenne a retiré fin 2013 quatre molécules insecticides, trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride, thiamethoxam) et le fipronil, reconnues dangereuses pour les abeilles.

Cette décision majeure salue 15 ans de combat acharné des apiculteurs mais elle n’est malheureusement pas suffisante :

Car ni les céréales à paille semées en hiver, ni les betteraves, ni les traitements en forêt ne sont concernées par cette interdiction. En France, c’est environ un tiers des céréales à paille qui est traité avec les néonicotinoïdes, alors que ces mêmes cultures sont utilisées en rotation avec du tournesol, très attractif pour les abeilles.

  • Car leur interdiction ne couvre que les usages précédant et pendant la floraison. Ces produits présentent pourtant une très grande persistance dans le sol, les rendant ainsi capables de contaminer les cultures suivantes ou les plantes adventices.
  • Car d’autres néonicotinoïdes très dangereux pour les abeilles restent sur le marché, telles le thiaclopride ou l’acétamipride, toutes deux de la famille des néonicotinoïdes. Le thiaclopride est par son mode d’action très toxique pour les abeilles et peut présenter des effets cocktails en présence d’autres pesticides ou de maladies chez l’abeille. Le thiaclopride est autorisé sur de nombreuses productions fruitières et en traitement de semences du maïs (Sonido). L’acétamipride est également utilisée sur de nombreux fruitiers.

Il est aujourd’hui indispensable d’étendre la durée du moratoire européen pour la clothianidine, l’imidaclopride, le thiametoxam, et le fipronil et d’y inclure l’acétamipride et le thiaclopride.

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Interdire les néonicotinoïdes, c’est indispensable…

… pour les abeilles

En 1994, les insecticides néonicotinoïdes et le fipronil font leur apparition en France. Les mortalités passent de 5 à 30% en moins de 10 ans. Les rendements de miel par ruche sont significativement réduits divisant la production française de miel par trois en 20 ans. Sans l’intervention des apiculteurs, les abeilles disparaîtraient de tous les pays utilisateurs de ces produits.

Commandé par la Commission européenne, le rapport européen Epilobee confirme les chiffres7: 30% des ruches périssent chaque année en France, sans que les maladies ne soient à même d’expliquer de tels chiffres.

Dès le départ, les producteurs de ces nouveaux insecticides ont nié leurs effets sur les abeilles : « les abeilles n’accèdent pas à la molécule », « la rémanence est bien maitrisée », « les doses sont inoffensives »…
Mais face à ces discours, de plus en plus d’études ont progressivement confirmé les observations des apiculteurs :

¤ Les néonicotinoïdes sont toxiques à des doses infinitésimales, ils sont biodisponibles et d’une rémanence exceptionnelle.

L’imidaclopride se retrouve bien dans les pollens et le nectar, principales ressources alimentaires des abeilles, à des doses infinitésimales mais toxiques pour les abeilles8et9

La contamination des ressources alimentaires des abeilles est particulièrement préjudiciable à l’automne10. En effet, les semis d’automne s’effectuent à un moment critique où les colonies d’abeilles préparent l’hivernage en constituant des provisions et renouvelant les populations.

En outre, très rémanente, cette substance persiste plusieurs années dans le sol… A titre d’exemple, l’imidaclopride est absorbée par des cultures non-traitées l’année suivante et se retrouve dans les pollens et les nectars8et9.

¤ Nombreux effets de toxicité chronique : perte de mobiité, troubles de la mémoire, atération des capacités d’orientation.

Une synthèse réalisée par Blacquière en 201211 résume 15 ans de recherche sur les dangers des néonicotinoïdes sur les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires.
Parmi les troubles recensés dus à leur exposition chronique aux néonicotinoïdes agissant comme agents neurotoxiques, on dénombre :

  • La perte de mobilité des abeilles induisant des symptômes comme des pertes d’équilibre (renversement), des tremblements, une hyperactivité.
  • L’atteinte du réflexe d’extension du proboscis : les abeilles sont dotées, en effet, d’un puissant système olfactif qui leur permet de communiquer dans la colonie et de localiser leurs sources de nourriture. Une fois une source de nectar ou de pollen identifiée, elles se souviendront de l’odeur florale associée pour leur prochain cycle de butinage. Une fois apprise, l’odeur déclenche un réflexe d’extension du proboscis, leur longue langue articulée.
  • La mémoire endommagée du fait de l’augmentation de l’activité d’une enzyme qui intervient dans l’activité mémorielle du cerveau de l’abeille.

Grâce à un système innovateur de suivi (puce RFID), l’équipe de scientifiques français de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) d’Avignon, de l’Association de coordination technique agricole (Acta) et du CNRS ont mis en évidence12 « le rôle du thiametoxam dans le déclin des abeilles, non pas par toxicité directe mais en perturbant leur orientation et leur capacité à retrouver la ruche ». Les résultats de cette étude sont parus dans le journal Science.

¤ Effet amplificateur des maladies.

Plusieurs études scientifiques pointent clairement l’effet combiné, voire amplifié des pesticides et des maladies. L’exemple le plus probant est la combinaison Nosema ceranae et insecticide systémique (imidaclopride, thiaclopride et/ou fipronil même à de très faibles doses) qui entraine la mort des abeilles, alors que les abeilles uniquement infectées par le Nosema ne succombent pas13et14.
Il ne faut pas oublier que les abeilles côtoient ce genre de maladies depuis de nombreuses années, certainement à des stades latents, et que les pesticides ne sont apparus que tardivement dans notre histoire. La théorie selon laquelle les pesticides agissent comme facteur déclencheur/amplificateur de ces maladies ajouté aux effets néfastes qu’ils
engendrent à eux seuls est réaliste pour expliquer ces mortalités.

¤ Nouveau mécanisme identifié : la dépendance vis-àvis des néonicotinoïdes.

Vu la nocivité de ces substances, certains pensaient que les abeilles pouvaient « apprendre » à éviter les plantes contaminées. Récemment, une étude britannique publiée dans Nature est venue nous dire le contraire. Les scientifiques ont testé le choix alimentaire des abeilles (Apis mellifera)15 et des bourdons (Bombus terrestris) entre nectar contaminé et non contaminé. Résultats : l’imidaclopride et le thiaméthoxam sont particulièrement appréciés puisque les insectes sont plus susceptibles de choisir le nectar contenant ces molécules.

… pour notre environnement

¤ Le rapport EASAC : néonicotinoïdes versus services écosystémiques

Le rapport scientifique16 du Conseil consultatif européen des académies scientifiques (EASAC), paru en avril dernier, dresse des conclusions sans appel sur l’extrême nocivité des néonicotinoïdes sur l’ensemble du monde vivant : « un nombre croissant de preuves que l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes a de graves effets négatifs sur les organismes non-cibles, tels que les abeilles et les pollinisateurs, dont la survie s’avère indispensable pour garantir le bon fonctionnement des services écosystémiques, y compris la pollinisation et le contrôle naturel des ravageurs. ». Pour les experts, « la pratique actuelle de l’usage prophylactique des néonicotinoïdes [c’est-à-dire de manière préventive] n’est pas compatible avec les principes de base de la lutte intégrée contre les ravageurs, tels que définis dans la directive européenne sur l’utilisation durable sur les pesticides ». Et l’effet à faible dose est lui aussi réaffirmé : « Il y a des preuves scientifiques claires qu’il y a des effets sublétaux à de très faibles niveaux d’exposition aux néonicotinoïdes sur des périodes étendues sur les organismes bénéfiques non-cibles. »

¤ L’évaluation mondiale intégrée des pesticides systémiques (WIA) : néonicotinoïdes versus biodiversité

Réalisée par le groupe des 29 experts internationaux sur les pesticides systémiques, cette analyse17 retrace 800 études scientifiques couvrant les cinq dernières années, y compris celles « parrainées » par l’industrie. C’est la première étude la plus complète sur les néonicotinoïdes jamais entreprise. Elle met en lumière l’implication non négligeable de ces substances dans le déclin des populations d’abeilles dans le monde. Ce consortium international de 29 scientifiques indépendants confirme que l’utilisation de ces produits cause des dommages importants sur la biodiversité. Non seulement pour les abeilles et autres pollinisateurs (pollinisateurs et papillons), mais également pour les invertébrés terrestres tels les vers de terre, qui jouent un rôle fondamental dans la qualité des sols. Les sols constituent des écosystèmes à part entière et la biodiversité de ces écosystèmes est incomparable aussi bien en terme de richesse que de biomasse et beaucoup de fonctions assurées par la faune du sol sont cruciales pour la production agricole. Les invertébrés aquatiques comme les gastéropodes mais également pour les vertébrés dont les oiseaux n’échappent pas à la règle. La méta-analyse confirme également que ces molécules sont présentes en dehors des zones volontairement traitées du fait de la contamination des eaux, et se retrouvent sur des aires bien plus larges.

… pour notre santé

De récentes publications font craindre que ces produits affectent également la santé humaine.

L’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA ou EFSA) a déjà émis des signes d’inquiétudes : dans un communiqué du 17 décembre 201318, l’AESA déclare que « deux
insecticides néonicotinoïdes – l’acétamipride et l’imidaclopride – peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain ».

Pour le reste :

¤ On n’en sait encore trop peu …

D’après Michel Nicolle, médecin, membre de l’association Alerte des Médecins sur les pesticides19, auditionné, le 6 mai dernier, par la Commission du développement durable de l’Assemblée Nationale sur l’impact des néonicotinoïdes : «Bien qu’ils soient présents sur le marché depuis plus de 20 ans ils sont beaucoup moins documentés que tous les autres pesticides ; leur impact sur la santé humaine est aussi beaucoup moins documenté que leur impact sur la santé des insectes ; cela provient sans doute du fait qu’ils ont la réputation d’être très toxiques pour les insectes et beaucoup moins pour l’homme qui, comme les espèces à sang chaud, présente moins de récepteurs sensibles à ces molécules qui par ailleurs ne sont pas bioaccumulables. »

En France, la seule étude20, mise en exergue par l’AESA, montre sur les cellules humaines, les effets toxiques démultipliés de deux formulations contenant respectivement de l’imidaclopride et de l’acétamipride en association avec des adjuvants, ceci comparativement aux matières actives seules. L’étude concerne les formulations commerciales Confidor et Polysect. Il faut comprendre que les adjuvants ne sont pas considérés comme actifs bien qu’ils soient capables de multiplier la toxicité des insecticides seuls par 10, 100 ou 1000. Lors d’une expertise de l’Inserm21 de 2013, la Professeur Van Maele a justement souligné qu’ « en matière de néonicotinoïdes, les seules données actuellement disponibles chez l’homme concernent des intoxications aiguës, c’est à dire des empoisonnements ». Il n’existe pas d’étude épidémiologique (Inserm, Invs, Agrican) visant une toxicité par exposition chronique. L’absence de publications sur ce sujet est surprenant lorsqu’on sait qu’un tiers des insecticides vendus dans le monde sont des néonicotinoïdes.

¤ Intoxication aigüe : le Japon précurseur de la recherche

De nombreuses études sur l’impact de ces produits proviennent du Japon car ces derniers sont particulièrement exposés aux néonicotinoïdes. Les agriculteurs japonais sont de grands utilisateurs de néonicotinoïdes, ils pratiquent des épandages aériens et les LMR (limites maximales de résidus) dans les végétaux sont plus élevées que dans les autres pays du monde. Les conséquences peuvent être directes. Par exemple les japonais sont grands consommateurs de thé. Or une infusion n’est autre qu’une extraction avec de l’eau bouillante comme solvant. On y récupère les arômes, mais aussi les toxiques hydrosolubles comme les néonicotinoïdes.

Ces conditions ont poussé les scientifiques japonais à réagir puisque les médecins hospitalisent des patients empoisonnés.
D’après le Docteur Nicolle, « il n’existe à ce jour qu’une étude épidémiologique22et23 mise en place par une équipe japonaise de troubles apparus chez l’homme en lien avec une exposition aux néonicotinoides : 150 sujets ayant des troubles suite à des épandages aériens et 102 suite à la consommation de denrées contaminées (les LMR au Japon sont 10 fois plus élevées que dans le reste du monde). Les signes disparaissent dans les 15 j qui suivent l’exposition, ou par modification alimentaire, les auteurs définissent un biomarqueur urinaire l’acide 6 chloro-nicotinique ».

Il s’agit de l’équipe de Taïra par exemple a fait une description détaillée des signes d’intoxication subaiguë. Les auteurs ont corrélé ces signes avec les néonicotinoïdes présents dans les urines. Les troubles cessent en quelques semaines lorsqu’on supprime leur cause (arrêt de nourriture traitée : fruits et thé).

¤ Perturbateur endocrinien et cancérigène

Il a été démontré que certains néonicotinoïdes ont aussi un effet perturbateur endocrinien, principalement sur la thyroïde. Une étude met en évidence l’action perturbatrice endocrinienne du thiaclopride sur la thyroïde chez le rat24 et décrit que les effets de l’association thiaclopride-deltamethrine est de nature synergique sur la thyroïde. Cette association est bien connue du monde apicole avec la formulation Protéus.

Chez l’homme, la synergie insecticide-fongicide a été montrée sur la thyroïde dans le cas de l’imidaclopride et du mancozebe (carbamate)25. Un autre exemple, le thiaclopride est classé cancérigène probable pour l’homme, à partir du constat de tumeurs hépatiques induites chez l’animal. On sait aussi que l’imidaclopride inhibe une enzyme hépatique.

… pour notre économie

¤ Pour la survie de la filiére apicole

Depuis le milieu des années 90, les apiculteurs déplorent des taux de surmortalité considérables. Chaque année, c’est en moyenne 30% du cheptel qui doit être renouvelé par la filière, soit plus de 300 000 colonies. La production annuelle française de miel est passée de 32000 tonnes avant 1994 à 10000 tonnes en 2014.

Pire que les années 2012 et 2013 déjà extrêmement difficiles pour les apiculteurs français, la production nationale a été en 2014 la plus faible de l’histoire de l’apiculture. A l’exception de l’Ouest et de la Bretagne qui semblent quelque peu épargnés, dans toutes les régions de France et en particulier dans les grandes régions de production comme Provence Alpes Côte-d’Azur, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon… les récoltes sont en baisse de 50 à 80%.

De nombreuses exploitations apicoles confrontées à un manque de miel sans précédent qui met en très grand péril leur survie économique jusqu’à la prochaine saison et prive les consommateurs de miel de nos terroirs.

¤ L’inaction conduirait à un cout élevé pour la sécurité alimentaire

Les abeilles sont le groupe de pollinisateurs économiquement le plus important à travers le monde.

153 milliards d’euros. Selon une étude de l’INRA26, c’est le montant que rapportait l’abeille à l’économie agricole mondiale en 2005, au travers de son action de pollinisation des cultures. En Europe, les insectes pollinisateurs sont responsables de la reproduction de 84% des plantes cultivées. Cette action est fondamentale pour la production de fruits et légumes, et d’oléagineux. Or, l’abeille joue un rôle essentiel pour l’agriculture et la biodiversité par son action de pollinisation. Une étude anglo-hollandaise montre, en effet, le déclin parallèle des populations de pollinisateurs et des plantes à pollen au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, sans préciser si ce sont les plantes ou les insectes qui disparaissent en premier27.

En volant de fleurs en fleurs, l’abeille se couvre de grains de pollen qu’elle transporte d’étamines en pistils, favorisant la fructification de ces cultures, et augmentant ainsi leurs rendements. Les arboriculteurs, maraîchers et producteurs de semences ne peuvent se passer des services de l’abeille. En Chine, dans la province du Sichuan, des producteurs en sont réduits à fertiliser les fleurs de poiriers à la main, les pollinisateurs et les plantes à pollens de la région ayant été détruits par une utilisation incontrôlée de produits chimiques. Si les mesures ne sont pas prises pour sa sauvegarde, les agriculteurs devront financer des services de pollinisations de plus en plus chers, et ce coût aura un impact certain sur la compétitivité des agriculteurs.

Il est donc aujourd’hui urgent de protéger l’abeille!

Interdire les néonicotinoïdes, c’est possible …

La France dispose des preuves scientifiques nécessaires à leur interdiction

Le règlement n°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques donne la possibilité aux Etats membres de retirer des autorisations de pesticides si les conditions de leur autorisation ne sont plus réunies. Au nombre de ces conditions, figurent :

  • l’absence d’effets nocifs, immédiats ou différés sur la santé humaine et animale ;
  • l’absence d’effets inacceptables sur l’environnement.

Au regard des publications scientifiques précitées intervenues ces deux dernières années, une interdiction à très courte échéance des néonicotinoïdes est scientifiquement et juridiquement possible.

Accepter le traitement de semences à l’aide de néonicotinoïdes est contraire au droit européen.

A titre d’exemple, plus du tiers des semences de blé sont enrobées avec du Gaucho (imidaclopride) et si le Cruiser (thiametoxam) est désormais interdit sur le maïs, le Sonido (à base de thiaclopride) est venu le remplacer. Des dizaines de milliers d’hectares sont ainsi plantés chaque année avec des semences enrobées, sans que l’agriculteur n’ait connaissance de l’ampleur réelle des menaces auxquelles sa culture est exposée.

Pourtant ces traitements préventifs sont totalement incompatibles avec les principes de la lutte intégrée décrits dans la directive 2009/128/CE qui prévoit que le traitement n’est appliqué que lorsque les niveaux de population des ravageurs ont été estimés au moyen de modèles de suivi et de développement et que « L’utilisateur professionnel devrait maintenir l’utilisation de pesticides (…) aux niveaux nécessaires, par exemple par l’utilisation de doses réduites, la réduction de la fréquence d’application ou en ayant recours à des applications partielles, en tenant compte du fait que le niveau de risque pour la végétation doit être acceptable. ».

Interdire les néoniotinoïdes n’affectera pas les rendements agricoles

Par ailleurs, de multiples études scientifiques viennent le confirmer, les néonicotinoïdes ne permettent pas une augmentation significative des rendements :

  • L’Agence européenne de l’environnement a analysé les rendements sur le tournesol et le maïs entre 1995 et 200728, période durant laquelle le Gaucho (imidaclorpide) a été autorisé puis interdit sur ces cultures, sans noter de différence significative de rendement.
  • De même, une équipe britannique a mené la comparaison sur le blé et le colza dans une review publiée dans le Journal of Applied Ecology29. Au terme de cette analyse, les traitements préventifs déployés sur une vingtaine d’années n’ont pas eu d’impacts notables sur les rendements.
  • Outre Atlantique, le Center for Food Safety a examiné 19 publications scientifiques30 traitant de la relation entre les néonicotinoïdes et les rendements des principales cultures des Etats-Unis. Ces études montrent que les insecticides néonicotinoïdes n’ont pas permis une amélioration significative des rendements des cultures.
  • Plus récemment, en octobre 2014, l’Agence de Protection Environnementale des Etats-Unis (EPA)31 remet en question l’efficacité de ces substances sur la production de soja dans un rapport publié le 15 octobre 2014. Selon elle, « Les traitements de semences offrent peu ou pas d’avantages globaux à la production de soja dans la plupart des situations. »
  • Le document du parlement européen «Existing scientific evidence of the effects of neonicotinoid pesticides on bees»32 préconise, en substitution aux néonicotinoïdes, la rotation des cultures, les méthodes de lutte biologiques (nématodes contre la chrysomèle), une protection des végétaux préventive et non chimique, et la promotion de l’agriculture biologique. 

Si le monde agricole a d’autres choix que d’utiliser les néonicotinoïdes, il n’a pas d’autres choix que de compter sur l’abeille et les pollinisateurs sauvages pour le bon rendement des cultures, tant quantitatif que qualitatif.

Une question de volonté politique.

La France a su adopter dès 2012 une position forte pour la protection des pollinisateurs en initiant, et en soutenant jusqu’à son terme, le processus qui a conduit à l’interdiction partielle de trois néonicotinoïdes. Il lui appartient aujourd’hui de poursuivre son action.

Elle a interdit en 1999 le Gaucho sur tournesol, en 2004 le Gaucho sur maïs, en 2005, le fipronil sur toutes cultures, en 2011 le Cruiser sur maïs et en 2012 le Cruiser sur colza. A chaque fois, des données scientifiques sont venues soutenir une volonté politique.

Sur un dossier assez proche, la représentation nationale a su dépasser un contexte européen hostile pour adopter une loi d’interdiction des OGM, afin de faire valoir le droit d’un Etat à proscrire une technologie qui n’apporte pas les avantages à la hauteur des risques encourus.

Dans le cas des néonicotinoïdes, la situation est comparable : si on admettait que cette technologie pouvait présenter de quelconques avantages, ces derniers ne pourraient en aucun cas remplacer le service inestimable de la pollinisation que les abeilles et les pollinisateurs sauvages rendent gratuitement à notre agriculture.

Les éléments présentés nous placent bien au-delà des doutes, bien au-delà du principe de précaution. Il appartient à nos élus de se saisir du problème, de jouer pleinement le rôle majeur duquel ils sont investis : veiller au bien-être du plus grand nombre et au devenir de leurs citoyens.

Source UNAF.